C'est grâce à la biographie magistrale du Cardinal Lavigerie (18251892) réalisée par François Renault, que la personnalité du Cardinal nous est révélée comme l'un des plus grands acteurs de l'Église du XIXe siècle (Fayard, 1992). Il décrit comment ce chrétien convaincu sut relever, en fin stratège politique, le défi qu'imposèrent les temps nouveaux à l'Église. Ami personnel du pape Léon XIII, il fut nommé en 1884 archevêque de Carthage (dont il restaura l'épiscopat) alors qu'il était archevêque d'Alger depuis 1867 et délégué apostolique pour les missions du Sahara et du Soudan depuis 1868.

Homme de foi et de conviction, Charles Lavigerie fut le fondateur de la Société des Missionnaires d'Afrique et de la Congrégation des Sœurs missionnaires de Notre-Dame d'Afrique (communément appelées les « Pères Blancs » et les « Sœurs Blanches »). La lecture de ses directives apostoliques, publiées sous la forme d'instructions à l'attention de ses missionnaires, peut aujourd'hui en déranger plus d'un, tant son autorité naturelle et spirituelle s'attachait à gouverner leur vie dans les moindres détails.

Aussi le Père Nothomb a-t-il pressenti la nécessité de mieux faire connaître l'enseignement spirituel du Cardinal et son charisme missionnaire au bénéfice de ces sociétés missionnaires et des historiens de l'Église. Loin de vouloir faire école ou de prétendre faire un traité spirituel (ce qui serait trahir la pensée de Lavigerie toujours engagée dans l'action), l'auteur nous révèle la flamme très paulinienne de sa foi (qui anticipe le « Tutus tuus » de Jean-Paul II), sa réponse ardente à l'amour personnel du Christ (la grâce du premier appel divin), son respect religieux pour l'Afrique (il inventa avant l'heure l'inculturation). Et l'on discerne avec surprise les traits prophétiques de sa spiritualité annonçant le nouvel élan missionnaire du Concile Vatican II.